Communiqué

Paiement de la rémunération variable dans les entreprises d’investissement IFR non-PNI : constats de non-conformité à l’occasion de l’exercice d’évaluation comparative des politiques et pratiques de rémunération de l’EBA pour l’année 2022

En 2023, la CSSF a collecté des données dans le cadre de l’exercice d’évaluation comparative des politiques et pratiques de rémunération mené par l’Autorité Bancaire Européenne (« EBA ») pour l’exercice financier 2022.

L’échantillon comprenait notamment des entreprises d’investissement de classe 2 (EI IFR non-PNI, ci-après les « entités »)1, choisies conformément aux dispositions du paragraphe 13 des orientations de l’EBA sur les exercices d’évaluation comparative des politiques et pratiques de rémunération et de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes au titre de la directive (UE) 2019/2034 (EBA/GL/2022/07).

Lors de l’examen des rapports soumis par les entités concernées, la CSSF a constaté l’existence de violations des obligations légales pesant sur ces dernières en matière d’octroi et de versement de rémunération variable aux personnes identifiées comme preneurs de risque matériel2 (ci-après « MRT »), telles que fixées aux paragraphes (3) et (4) de l’article 38-22 de la loi du 5 avril 1993 sur le secteur financier, telle qu’amendée (ci-après la « LSF »).

Le présent communiqué a vocation à mettre en lumière les situations de non-conformité rencontrées aux fins d’effectuer un rappel aux entités quant aux obligations légales qui pèsent sur elles en matière de rémunération variable octroyée et versée, ainsi qu’à informer le marché quant aux mesures prises par la CSSF en réponse à ces manquements.

Conformément à l’article 38-22, paragraphe 3 de la LSF :

  • dans les entités dont la valeur des actifs au bilan et hors bilan est, en moyenne, supérieure à 100.000.000 d’euros sur la période de quatre ans qui précède immédiatement l’exercice financier concerné, et
  • pour les membres du personnel identifiés à l’article 38-20 de la LSF dont la rémunération variable annuelle dépasse 50.000 euros ou représente plus d’un quart de leur rémunération annuelle totale,

toute rémunération variable accordée et versée doit satisfaire aux exigences suivantes :

  • au moins 50% de la rémunération variable doit être constituée d’instruments financiers, et
  • au moins 40% de la rémunération variable doit être reportée pendant une durée de trois à cinq ans.

En application du principe de proportionnalité, ces règles bénéficient légalement de l’existence de deux niveaux de dérogation, disposant chacun d’un champ d’application propre.

1.1 Application du principe de proportionnalité au niveau individuel

Les entités peuvent déroger aux obligations légales tendant au paiement de la rémunération variable sous forme d’instruments financiers ainsi qu’à son report pour chaque MRT dont la rémunération variable annuelle est inférieure à 50.000 euros et ne représente pas plus d’un quart de sa rémunération annuelle totale.

On attribue à cette dérogation un niveau « individuel » car les critères doivent être évalués pour chaque MRT concerné. Cette dérogation ne peut donc pas être appliquée de manière générale à l’ensemble des MRT.

1.2 Application du principe de proportionnalité au niveau institutionnel

Les entités peuvent déroger aux obligations légales mentionnées ci-dessus au niveau institutionnel, c’est-à-dire de manière générale pour l’ensemble de leurs MRT (quel que soit le montant de leur rémunération variable), dès lors que la valeur de leurs actifs au bilan et hors bilan est, en moyenne, inférieure à 100.000.000 d’euros sur la période de quatre ans qui précède immédiatement l’exercice financier concerné.

Il est à noter que l’article 38-22, paragraphe 4 de la LSF permet aux entités, sous certaines conditions cumulatives, de rehausser le seuil de 100.000.000 d’euros à un montant de 300.000.000 d’euros.

2. Violations des dispositions légales constatées par la CSSF

2.1 Non-conformité aux règles concernant la dérogation au niveau institutionnel

La CSSF a constaté que certaines entités avaient appliqué la dérogation au niveau institutionnel et ne s’étaient par conséquent pas conformées à leurs obligations légales de payer une partie de la rémunération variable sous forme d’instruments financiers et d’en reporter le paiement d’une partie.

Toutefois, la moyenne de la valeur des actifs au bilan et hors bilan des entreprises d’investissement en question, calculée sur les années 2018 à 2021, était supérieure à 100.000.000 d’euros, de sorte qu’elles ne pouvaient par principe pas bénéficier d’une telle dérogation.

Après examen, il est apparu que ces entités avaient spontanément appliqué le seuil rehaussé à 300.000.000 d’euros prévu à l’article 38-22, paragraphe 4 de la LSF. Toutefois, elles n’avaient pas rempli la condition première pour appliquer ce seuil, à savoir de ne pas faire partie, au Luxembourg, de l’une des trois entités les plus importantes en termes de valeur totale des actifs. Cette omission a de facto placé les entreprises d’investissement concernées en situation de violation de leurs obligations légales.

Il convient de noter que l’information relative à l’importance des entités en termes de valeur totale des actifs n’est pas rendue publique. En cas de doute, avant d’appliquer une quelconque dérogation, il ressort de la responsabilité de chaque entité concernée d’interroger la CSSF (au besoin annuellement) quant à son positionnement au sein du marché luxembourgeois.

2.2 Non-conformité aux règles concernant la dérogation au niveau individuel

La CSSF a en outre constaté que des entités avaient appliqué la dérogation au niveau individuel pour certains de leurs MRT, alors même que ces derniers avaient perçu en 2022 une rémunération variable annuelle supérieure à 50.000 euros (art. 38-22, paragraphe 3 de la LSF).

Dans la mesure où ces dernières ne pouvaient par ailleurs pas appliquer la dérogation au niveau institutionnel, elles se sont également trouvées en situation de violation de leurs obligations légales en matière de rémunération variable.

3. Actions de la CSSF à l’issue de ses constatations

Il est nécessaire que l’ensemble des entités s’assurent que les conditions prévues à l’article 38-22, paragraphes 3 et 4 de la LSF soient systématiquement remplies pour éviter toute non-conformité lors de l’octroi et du paiement de la rémunération variable à leurs MRT.

Un examen attentif de ce point pourra notamment être effectué lors de l’évaluation annuelle, centrale et indépendante de leurs politiques de rémunération (article 38-20 (1) 7. de la LSF). En outre, en cas de détection d’un manquement quelconque, la CSSF devra être informée sans délai et des mesures de remédiations devront être prises immédiatement.

Dans la mesure où les violations constatées par la CSSF peuvent tirer leur origine de problèmes de gouvernance significatifs, elle entend informer le secteur financier qu’elle continuera à surveiller la bonne application des règles applicables à l’octroi et au paiement de toute rémunération variable au sein des entités. À défaut de respect de ces règles, des mesures strictes, allant jusqu’à des sanctions, pourront être prises.

1 Telles que définies à l’article 1er, paragraphe 9bis-2 de la loi du 5 Avril 1993 relative au secteur financier, telle que modifiée.

2 Conformément au Règlement délégué (UE) 2021/2154 de la Commission du 13 août 2021 complétant la directive (UE) 2019/2034 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les normes techniques de réglementation précisant les critères permettant de recenser les catégories de personnel dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque d’une entreprise d’investissement ou des actifs dont elle assure la gestion